dimanche 14 novembre 2010

Ephémérides

Un poème pour chaque jour d'une année : instants du quotidien, éclats de mémoire, mouvement des saisons... 366 poèmes qui retiennent, jour après jour, les mille riens dont la somme fait la substance fragile et fugitive d'une année, d'une vie.
Une fois refermé, le livre nous laisse avec quelque chose de très doux, très calme. On regarde autour de soi un peu autrement comme apaisé devant le passage du temps.

"J'écris simplement pour les saisons
    et les déplacements des oiseaux migrateurs." (p.364)

Ephémérides de Chantal Dupuy-Dunier
Flammarion - 2009

samedi 13 novembre 2010

Hypothèses

Hypothèse 1 : moins une femme est sûre d’elle, plus elle prend soin de son apparence et met du temps à choisir ses vêtements. L’objectif d’une apparence impeccable n’est pas de séduire mais de se protéger : être inattaquable de ce côté-là et cacher toutes les fêlures intérieures qui nous font vacille.

Hypothèse 2 : ce ne sont pas les œuvres les plus abouties qui nous font le mieux réfléchir sur le monde et nous-même mais plutôt celles qui risquent, tentent, explorent. Parfois inabouties et pleines de défauts, elles sont pourtant comme animées d’un mouvement qui entraîne la pensée.

mardi 27 juillet 2010

du mérite au mépris

il y a le mérite et le mépris
ils fonctionnent étroitement liés
qui distribue les mérites est enclin au mépris 
et inversement
ils relèvent d'une même logique : 
celle de l'attribution et du jugement

mardi 25 mai 2010

Ca quand même de Maguy Marin et Denis Mariotte

En plusieurs séquences,  une voie intérieure, celle de l'artiste au moment où il se produit sur scène, donne à voir sa création au public et s'interroge sur sa réception : 
"et supposons que malgré notre notre bonne foi et tous nos efforts communs /
ça qui a lieu là ne vous dise rien ou si peu ou que ça ne vous dise quelque chose que par moment seulement /
(...) et supposons encore que ceux d'entre vous qui trouvent ça idiot dès le début /
ça arrive /
décident par exemple de partir là maintenant /"

Un texte peut-être né de la difficile réception d'Umwelt le précédent et magnifique spectacle de la chorégraphe.  En tout cas on peut l'imaginer.
Un texte qui ouvre énormément de pistes de questionnement sur la création :
Est-ce que créer pour a du sens et quel sens ?
Que devient un texte, un spectacle... s'il doit répondre à la demande présupposée d'un public ?
Que devient la notion de prise de risque normalement inhérente à toute création ?
Est-ce que la question des publics n'est-elle pas davantage celle des médiateurs culturels ?
Vouloir en avoir pour son argent quand on va voir un spectacle, quel rapport à l'art ça induit / traduit ?
etc...

et l'artiste de dire :

"on n'a pu faire que ça /
pas pu faire autrement /
C'est tout ce qu'on peut qui s'est mis là /
dedans ça qu'on fait là /"

"cette infime contribution qui nous tient tant à coeur /"

Bref, un texte qui donne à penser ce qui n'est par rien ça quand même !

ça quand même de Maguy Marin et Denis Mariotte -Tarabuste, 2005

vendredi 21 mai 2010

mardi 13 avril 2010

c'est la nuit

je me dégringole dessus au beau milieu de la nuit et je suis toujours en tas au matin

le jour est levé mais je n’ouvre pas les volets parce que c’est la nuit

mardi 23 mars 2010

Printemps



















à défaut de fruits 
l'abricotier me donne 
de belles fleurs 
toujours au printemps

lundi 22 mars 2010

Pas le temps, vraiment

Vous n’avez pas le temps. Comme beaucoup de gens vous aimez ne pas avoir le temps. Ca vous rend incroyablement important de ne pas avoir le temps. Ca vous évite de vous arrêter de vous trouver bête à pas savoir quoi dire ni quoi faire de vos mains tout à coup. Sans raison vous n’avez pas le temps. Pas le temps, c’est à l’intérieur de votre tête, un état d’esprit, une attitude. Vous dites J’ai pas le temps au lieu de Je n’ai pas envie. Vous pensez que celui qui a du temps n’est pas très intéressant, sinon, forcément, il serait très occupé. Vous pensez que celui qui a autant de temps pour vous que pour les autres n’est pas digne de vous. Vous préférez consacrer votre temps à ceux qui n’ont pas le temps. Vous essayez d’obtenir qu’ils vous consacrent un peu de leur temps très occupé. C’est votre mode de vie, de rapport aux autres et au monde. Parfois vous avez le vertige. Vous dites : c’est la fatigue, je n’ai pas le temps. Vous dites : ça fatigue de pas avoir le temps.

mercredi 3 mars 2010

l'aujourd'hui du monde

le monde est là
tout près, autour et en nous
dans toute sa violence
et nos mots ne peuvent pas dire


la poésie bute sur l'aujourd'hui du monde
préfère se taire que risquer une voix de fausset
parce que le monde d'aujourd'hui comme hier
à se taper la tête contre les murs


à tel point que dire
comment faire ?
et quelle défaite

mardi 23 février 2010

Un lieu où

Les lieux ne vous trahissent jamais d’eux-mêmes  
que de la main des hommes qui les transforment   

Les lieux ça apaise de savoir qu’ils sont toujours là 
pour nous accueillir quand ça va mal 
avec leurs odeurs et leurs silences de petits bruits impartageables

mercredi 17 février 2010

Contre

Je suis contre totalement contre ridiculement contre petitement contre bêtement contre inutilement contre rageusement contre rigoureusement contre sans raison contre vainement contre stupidement contre 
et ça ne sert à rien  
      ça épuise 
           ça fait les mots vides

jeudi 11 février 2010

derrière la fenêtre#4

























ce matin neige
le laurier rose est blanc

on a de la chance
au coeur de cet hiver noir
d'avoir deux fois du blanc

mardi 9 février 2010

lundi 8 février 2010

Lecture à voix haute

Pourquoi n'a-t-on plus le courage d'aller écouter des mots autres que ceux qu'on entend, qu'on dit toute la journée, ces mots qui disent le monde, qui nous parlent de nous dans le monde, qui tentent une ouverture dans le mur ?
Qu'est-ce qui, dans le quotidien répété de nos journées, nous fait dire : pas le courage ce soir ou à quoi bon ou à quoi ça sert ?
Evidemment, ça ne sert à rien cet autre usage de la langue. Mais ça ouvre des horizons, à force on n'arrive même plus à les imaginer.
Alors quand on sera arrivé au bout du bout de tous nos combiens - combien de temps, combien d'argent, combien d'amis, combien d'amour - il restera quoi dites-moi à part le vide et un silence épais comme un vieux brouillard ?
Et aussi dites-moi combien - puisque combien est le propos - resterons-nous à résister encore, à nous démener pour que ces mots vivent autrement que dans des livres fermés, classés sur des rayonnages bien rangés ? Combien resterons-nous à croire que oui parfois il suffit d'une phrase pour moins pencher ?
Combien resterons-nous quitte à dormir debout le lendemain, quitte à perdre pour finir, l'usage de la langue du buro ?

dimanche 7 février 2010

ce qu'on nous dit

ce qu’on nous dit
ce qu’on nous fait croire
ce qu’on veut nous faire croire
ce qu’on arrive à nous faire croire
ce qu’on accepte de croire
ce qu’on nous dit
tout ce qu’on nous dit
ce qu’on laisse dire
tout ce qu’on laisse dire
ce qu’on veut entendre
ce qu’on veut pas entendre
mais qu’on entend quand même
et qu’on laisse dire
en se taisant
ce qu’on nous dit
ce qu’on se laisse dire
ce qu’on accepte d’entendre
des fois on voudrait pas
tout ce qu’on nous dit
les mots vides
pas entendre est difficile
ce qu’on nous dit
tout ce qu’on nous dit
ce qu’on nous répète
tout ce qu’on nous répète
on a l’air de nous poser une question
mais c’est une affirmation
ce qu’on veut nous faire croire
ce qu’on arrive à nous faire croire
tout ce qu’on arrive à nous faire croire
tellement ça fait peur
si on y regarde bien
la peur derrière le bruit des mots
on est glacé d’effroi
on est sans voix
on est muet
la peur derrière nos silences
tous nos compromis
on n’y peut rien et c’est comme ça et qu’est-ce que ça fait ?
la peur et le conditionnel
ce qui reste à la pensée
le conditionnel pour se conjuguer

dimanche 31 janvier 2010

Elargir

Large, large comme on ouvre les bras, l’espace du cœur. Rester dans le vivant, lui faire confiance, faire confiance à la magie du vivant, ce qui respire, sort de terre, ploie sous la pluie, la grêle et se redresse ensuite. Tout ce qui pousse comme il peut même de travers, même à l’envers avec ce qu’il a.

samedi 30 janvier 2010

Maintenir

Maintenir se maintenir dans une grande ouverture. On ne peut rien faire d’autre. Accélérer le mouvement est impossible. On ne sait pas vers quoi on va tellement en profondeur c’est. L’écrire on peut tout juste et les gestes importants les gestes qui accompagnent, on ne les voit qu’après et pendant tout ce temps on reste au milieu des bégaiements de ce qui se termine et les élans désordonnés de ce qui arrive sans trop bien savoir.

lundi 25 janvier 2010

lire la poésie

Quand je lis de la poésie, je sens bien que je ne peux pas tricher. 
Il me faut une totale disponibilité intérieure. Je vois bien parfois que lorsque je passe à côté d’un livre, ne ressens rien à sa lecture et serait bien en mal d'en dire quelques chose, c’est à cause du manque de cette disponibilité intérieure bien plus qu’à cause de l’écriture de l’auteur.
Alors qu’un roman je peux tout à fait penser à autre chose ou en tout cas continuer à laisser murmurer en moi tous les penser à, il faudrait que et ne pas oublier de. Je peux lire un roman avec à l’esprit ce que je viens de faire et ce que je vais faire. Pas tous mais un certain nombre.
La poésie, non.

dimanche 24 janvier 2010

Terminer

Laisser se terminer ce qui se termine n’a plus qu’à se terminer. Ne pas retenir dans le mouvement même du vivant laisser le changement s’opérer à son rythme et parfois c’est lent ça remue en profondeur sans à-coups. Même pas de regrets on constate juste : les choses les lieux et même des gens ne nous parlent plus comme avant. Accepter ne pas retenir se préparer à accueillir l’à venir.

derrière la fenêtre#2

mardi 19 janvier 2010

samedi 16 janvier 2010

Dialogue

voix 1 :
Qu'avez-vous fait de notre monde ?
Vous avez eu quelques rêves. Vous vous êtes un peu agités (les pavés et tout, on sait) et maintenant vous laissez faire. Vous laissez serrer les vis de tous les côtés quand ce n'est pas vous même qui le faite. Vous serrez les vis à vos enfants, à vos petit-enfants pour tenter faire changer les comportements, ces mêmes comportements dont vous avez largement abusé sans trop vous poser de questions. Vous n'avez plus que les mots taxe, économie, crise, chômage, écologie. Vous nous faites payer, et cher, vos propres erreurs.


voix 2 :
Et vous ? Qu'avez-vous fait pour notre monde ?
Avez-vous un seul instant prêté attention à nos rêves ?
Vous y êtes vous intéressé ?
Avez-vous cherché à savoir, au delà de quelques formules de barricades, ce qui nous animait et ce que nous avons obtenu ?
Cette liberté dont vous jouissez aujourd'hui comme des gamins à qui tout est dû, vous croyez qu'elle vient d'où ?
Avez-vous pris le relai, saisi les drapeaux que nous avons laissés tomber ?
Avez-vous parlé, discuté, débattu avec nous ? Entre vous ?
Non, rien de tout ça. Jamais.
Vous aviez le nez dans vos études. Réussir, avoir un travail, une bonne situation, votre petit avenir professionnel, voilà ce qui vous importait. Le maximum de confort au quotidien, plus d'argent, plus d'heures de cours, plus de sécurité, de garanties, voilà tout ce pour quoi éventuellement vous pouviez descendre dans la rue.
Bien sûr, nous n'allions pas reprocher à nos enfants de réussir leurs études et de s'occuper de leur avenir. Faut pas non plus exagérer. Mais ce que vous n'avez pas su voir, pauvre gamin décervelé, c'est que si vous nous aviez dit : tout ça on s'en fout. C'est autre chose qu'on veut. Peut-être oui, c'est même certain, on y serait allé avec vous. On aurait repris nos combats. Mais vous ne l'avez pas fait.
Prendre des risques, c'était pas votre truc. On l'a vite compris.


voix 1
Et vous avez arrêté de lutter, vous cachant derrière nous : à nos enfants de reprendre la lutte pendant qu'on va songer à s'installer un peu. Et vous avez consommé, consommé, consommé avec frénésie pour rattraper quoi ? pour oublier quoi ? Comme si on abandonnait une lutte comme ça, comme si lutter était une affaire de jeunesse.
Le soir, à table, êtes-vous allés contre les discours de peur dans lesquels nous baignions au quotidien : la crise, le chômage, le sida... il fallait faire attention à tout et vous ne perdiez pas une occasion de nous le rappeler. Nous n'avions pas votre chance, le plein emploi, les trente glorieuses, etc... Vous nous reprochez de ne pas prendre de risques, mais qui nous a élevé dans la peur de tout ? Vous nous reprochez de ne pas vouloir changer le monde, mais qui en a fait ce qu'il est aujourd'hui : cette chose complexe et inhumaine où l'économie est devenue une loi naturelle devant laquelle se plie les hommes, tous les hommes, pour l'intérêt de quelques-uns. Alors quand nous cherchons à échapper au monde plutôt qu'à le changer, c'est bien davantage un cri d'impuissance et de désespoir qu'il faut entendre. Quand nous cherchons localement, individuellement à inventer autre chose loin des beaux discours d'intention, au lieu de ricaner, comprenez plutôt que nous n'avons plus confiance en aucun discours qu'il soit politique, économique, écologique ou tout ce qu'on voudra car il y a une chose que nous avons compris : c'est que cette époque n'a aucune tenue dans les mots et que les politiques, les journalistes, les administratifs, les responsables de tout bord fabriquent avec leur discours un monde dans lequel ils croient vivre mais qui n'est pas le nôtre.


(à suivre)